Un hôpital de jour pour adolescents c’est aussi la rencontre de deux forces a priori antagonistes que sont l’ordre social et le double désordre de l’adolescence et de la psychose.
Y vivre ensemble produit immanquablement des mouvements d’attaque/défense plus ou moins inconscients et actifs. Le clivage, si prévalent dans les psychoses, renforce ces phénomènes, désorganise les groupes, défait les alliances entre patients et peut infiltrer jusqu’aux équipes soignantes. Cette pathoplastie*, lorsqu’elle se surajoute aux pathologies préexistantes, empêche toute approche thérapeutique comme toute apparition de liens sociaux constructifs et durables.
L'assemblée générale prévient ces effets de contagion par accumulation : en traitant inlassablement son « ordre du jour », avec ses économies sous-jacentes, elle dessine et révèle « en négatif » les contours d’un « désordre quotidien » produisant ainsi des restes collectivement supportables. Indissociable d’une psychothérapie institutionnelle dynamique - au sens de « prendre soin » de l’institution - elle en est la fiction opérationnelle. Assemblée, candidatures, élections, présidences et débats y sont fictifs mais non factices. Ils sont les invariants d’un espace transitionnel impliquant toutes les personnes et constituent un outil collectif concret de subjectivation.
L’assemblée générale est également un espace topologique puisqu’y sont traitées les notions de limite, de continuité et de voisinage dans l’institution et au dehors. C’est cette même dimension qui permet et garantit une expérience démocratique, souvent inaugurale pour nos patients adolescents, et chaque fois renouvelée.
Enfin le cadre de l’assemblée générale repose sur trois fondements invariables : elle est structurée par des règles aussi simples que strictes pour que le jeu socialisant opère spontanément, elle est structurelle car bimensuelle, enfin elle est obligatoire car nul ne peut demeurer étranger à la santé de l'institution.
*composante réactionnelle au milieu, au sens d’une pathogénie nosocomiale, décrite par J. Oury
David Lefèvre, éducateur spécialisé responsable d’un groupe d’adolescents à temps plein.
►Mars 2021, Hôpital de jour du Parc MOntsouris