« Je souhaite devenir coiffeuse. Mon frère dirige son entreprise et, qui sait, je pourrais travailler dans son salon ! »
– Lily, 15 ans.
Interpellée par sa voix joviale, Lily me transperce de son regard ampli d’assurance. Dans ce folklore parisien du vendredi soir, cette jeune fille me couve d’un accueil chaleureux dès mon arrivée.
Nous connaissons tous cette sensation, un » feeling « , lorsque deux individus fusionnent et se laissent transporter par le fil de leur discussion. Il nous a suffi que de quelques minutes pour qu’elle me confesse ses ambitions et son projet professionnel.
Durant cet échange intime, je me questionne sur des informations plus formelles à son sujet. Quel âge peut-elle avoir ? Elle me paraît âgée, 20 ans ? Non, impossible elle a un entrain et une insouciance si propres aux enfants.
Alors, 17 ans ? C’est incohérent, elle est si confiante et déterminée dans des projets futurs. Et si je lui demandais simplement ? Est-ce impoli ? Après réflexion, je me résous à abandonner cette tentative veine.
Soudain, un homme vient à nous. Charles. Sa présence arrête brusquement la voix/le discours de Lily. Il s’excuse et m’invite à le suivre et me dit simplement : « Vous avez été plongée dans son illusion. ».
Je ne comprends pas. De quoi parle-t-il ?
Face à mon incompréhension, il comprend que je mérite une explication. Je découvre alors que la jeune fille à qui je parlais, est atteinte de troubles psychiques. Sa maladie est telle, qu’elle comporte des épisodes de mythomanie.
Mélangeant la réalité avec le désir, je suis en fait pour elle, comme une toile vierge sur laquelle elle peut transposer ses projections.
J’observe de loin cette jeune fille au rire éclatant et lumineux, mais mon regard sur elle a changé. Je ne peux m’empêcher de penser à l’avenir prometteur qu’elle aurait pu avoir sans ce handicap.
Comment pouvons-nous retirer tout espoir à une enfant qui entre tout juste dans ce monde, qui est le nôtre ? Un monde dans lequel nous devons constamment nous battre pour obtenir ce que l’on souhaite.
Comment lui dire qu’elle ne sera peut-être jamais coiffeuse ?
Face à Lily, je fais face à une grande et haute toile blanche sur laquelle je n’attends que de voir le premier coup de pinceau. L’apparition d’une simple ligne me permettant de dire : « Je crois en elle ».