Questions de parents de l'APACM posées à Bénédicte Chamoun, médecin directeur

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" Le plus souvent, ce n’est qu’à l’issue du parcours de soin que nous en devinons la logique et ce à travers les progrès des jeunes. Le contenu et le sens de ces ateliers restent une grande inconnue pour nous. " APACM (Association des parents et Amis du Parc Montsouris)

Interview n° 3 : Les différents formats de la prise en charge individuelle en groupe fermé, leur encadrement et, au-delà du travail de construction et d’organisation interne, leur lien avec les sorties du CEREP.
 

En février 2020, lors d’un échange très dense avec l’APACM, le docteur Chamoun avait répondu à nos questions sur le contenu et la logique des ateliers thérapeutiques, tant du côté du jeune qu’au niveau de l’institution.

Le premier feuillet publié par l’APACM avait abordé les objectifs et méthodes des ateliers thérapeutiques notamment l’inscription « contractuelle » dans un petit groupe à un rythme régulier, le développement de la concentration personnelle qui s’y opérait en même temps que l’apprentissage de la bienveillance par rapport aux autres. Il évoquait aussi l’importance des ateliers qui se réunissaient autour d’un objet de médiation pour faciliter la parole.

Le deuxième feuillet évoquait la construction du parcours de soin autour des besoins des jeunes, de leurs centres d’intérêt, de leurs difficultés, de leurs évolutions, de leurs propositions.

Cette dernière partie s’attache à décrire les ateliers de manière plus concrète : les différents formats de la prise en charge individuelle au groupe fermé, leur encadrement et, au-delà du travail de construction et d’organisation interne, leur lien avec les sorties du CEREP.

Des formats très diversifiés et progressifs

En 2019-2020, il y avait 31 groupes, sans compter les prises en charge individuelles en psychothérapie, en psychopédagogie, en relaxation. Donc on a, grosso modo, une trentaine de groupes chaque année.

On fait en sorte qu’effectivement les jeunes autant que possible aient tous dans leur emploi du temps trois ou quatre ateliers au moins dont certains fermés et certains ouverts. Je dis « On fait en sorte que » parce que parfois c’est très compliqué pour un jeune d’être dans un groupe fermé.

Pour tout un temps, parfois il ne peut pas, alors pour pallier ça, on a mis en place des prises en charge individuelles sur des temps plus courts en général une demi-heure et pas une heure. En individuel ça peut être autour de dessin, de la terre, du textile ou quelque chose de plus corporel. Ça dépend de chacun ou en psychopédagogie avec un psychopédagogue et on les invite à venir au groupe ouvert où c’est plus facile parce qu’on peut plus facilement rentrer et sortir ou bien venir une fois et pas la fois d’après. Mais on essaie d’arriver à cet équilibre-là.


En moyenne, combien de personnes sont accueillies dans les groupes clos ?

En moyenne entre quatre et six personnes, c’est ce qui prévaut pour tout ce qui se passe ici à l’intérieur. Pour les groupes sportifs à l’extérieur parfois le nombre est plus important comme par exemple pour l’atelier « jeux sportifs » qui a accueilli jusqu’à dix jeunes. C’est un groupe qui est populaire.


Il y a-t-il des ateliers ponctuels ?

Oui, il y a des ateliers ponctuels pendant les temps de vacances. Par exemple, tous les matins des petites vacances, entre 10H15 et 11H, l’assistante sociale propose du yoga en groupe ouvert à tous les jeunes qui le souhaitent. Il y a aussi des groupes de pâtisserie pendant les vacances qui sont ponctuels.

Lors de la grande réunion en début d’année, il y a des intervenants qui évoquent les groupes auxquels ils participent. Parfois il y a quelqu’un qui est tout seul pour encadrer un groupe parfois ils sont deux, parfois ils sont trois ?

Alors majoritairement ils sont deux. Ça se passe presque toujours en binôme l’encadrement d’activité, à de très rares exceptions près, parce qu’il nous semble que le fait d’être deux permet beaucoup plus de choses. Cela permet une double observation. Cela permet effectivement à l’un de se consacrer tout seul à un jeune qui est en difficulté dans le groupe à un moment donné tandis que l’autre poursuit avec le groupe dans son ensemble. On n’observe pas la même chose selon la place que l’on a dans ce groupe et selon la fonction que l’on occupe. Souvent des binômes ne sont pas du même métier d’origine, par exemple, ça va être un éducateur avec un enseignant, un infirmier avec un psychologue etc.… Ce ne sont ni les mêmes formations et donc ni les mêmes regards qui sont posés sur les jeunes et ça, ça enrichit finalement la vision de l’activité.


Des binômes homme/femme ? On y fait attention ?

Il se trouve que le groupe « garçon » est actuellement co-animé par un infirmier et un enseignant, ce sont deux hommes. Le groupe « Vie et mort des héros » est co-animé par un enseignant et une éducatrice spécialisée. Non, ce n’est pas que l’on ne fait pas attention à ça mais c’est comme ça se trouve. Et on tient beaucoup compte de l’appétence des soignants pour ce qu’ils animent. Parce qu’on croit beaucoup au partage des passions. Un adulte qui est animé par une passion, par un intérêt pour quelque chose va pouvoir le transmettre aux adolescents. S’il est là parce qu’on lui a dit d’être là, effectivement parce qu’il y avait une place à prendre, qu’on lui avait indiqué cet endroit-là, ça n’aura pas la même fonction. Ça n’aura pas la même résonance.


Comment viennent les idées d’atelier par exemple « Histoire en boîte » ?

Les idées d’ateliers viennent de l’équipe mais parfois ça vient des jeunes. « On aimerait bien faire ci ou faire ça ». Ça se travaille un peu ; je pense par exemple à un groupe qui existait un temps et qui n’existe plus maintenant autour des jeux vidéo. Il y avait une espèce d’appel lancinant de la part de certains jeunes : « Et on ne peut pas faire des jeux vidéo ? » Et au bout d’un temps ça a travaillé dans l’équipe avec l’idée qu’on peut proposer effectivement cette activité-là mais sur un mode tout à fait particulier. De pouvoir à la fois jouer et ensuite parler de ce qu’on a fait dans le jeu. C’est-à-dire deux temps dans l’atelier. Cet atelier était animé par un éducateur et un psychothérapeute. Ça a donné tout à fait une autre dimension à cette idée du jeu vidéo qui devenait quelque chose de partageable et pas quelque chose qu’on fait frénétiquement tout seul dans coin.

Histoire en boîte, c’est très intéressant, c’est-à-dire que c’est quelque chose qui mêle la création plastique et la narrativité. Construire ensemble une histoire à laquelle on donne une certaine forme : en carton, terre cuite, en papier, en dessin etc… mais ça prend forme et à partir des apports de chacun dans le groupe. Il y en a un qui va être plus effectivement dans le dessin de ce que les autres proposent comme histoire. Il va la réaliser, d’autres vont être dans l’apport d’idées. Ensemble, on crée une histoire et on lui donne une forme. Ça fait appel à deux champs différents celui de la créativité et celui de la narrativité et comment finalement donner un fil de cohérence historique à quelque chose.

Je voudrais savoir : ce qui se fait en atelier ne sort-il jamais en fait de l’atelier ? Même vous en interne, vous ne présentez pas les travaux aux autres jeunes ? Je pense par exemple aussi à l’atelier « chorale » où ils chantent et font des super trucs !

Ça dépend. Globalement, il y a différents types de production. Il y a des productions qui sont extrêmement individuelles et personnelles et qui sont un peu du ressort de la thérapie. C’est presque une thérapie par l’objet sinon par la création et ce n’est pas partageable. On n’expose pas ça, on ne présente pas ça etc…

Il y a des choses qui sont produites dans l’idée plutôt d’une œuvre collective et elles sont exposées à intervalles plus au moins réguliers. Par exemple, l’affiche qui a été faite pour la semaine des poètes mais aussi la fresque qui était accolée à la porte du bureau médical. C’est une œuvre collective qui a été réalisée en art plastique. Et quant aux activités collectives plus artistiques comme la danse, le chant ou la percussion ou des choses comme ça, il y a eu des spectacles qui étaient présentés au théâtre de la Cité Universitaire en présence des parents et de l’ensemble de l’institution. Mais pour ça, il faut que le groupe soit d’accord pour se produire en public et que la confiance soit suffisamment bonne pour cela à l’intérieur du groupe mais il faut enfin aussi que l’aisance des jeunes permette d’accepter cette confrontation aux regards des autres. Mais ça a toujours été extrêmement positif quand ça s’est produit : c’était même magnifique pour avoir vu deux ou trois spectacles de danse notamment. C’était vraiment bouleversant. La chorale pour l’instant, elle peut se produire de façon ponctuelle pour les temps de fêtes, par exemple le repas de Noël, le repas de fin d’année : elle peut donc chanter devant le reste de l’institution. Ce n’est pas encore formalisé en spectacle.

Ça fait partie des choses qui sont débattues en interne entre nous le moment où un groupe est dans l’idée d’affronter quelque chose de cet ordre- là. Il y a un atelier danse et écriture qui existe depuis des années et a pris des formes différentes. C’est sous la forme danse écriture depuis au moins quatre ans. C’est un temps pour danser et un temps où l’on restitue par écrit ou en dessinant parfois ce qu’on a éprouvé pendant au moins le temps de la danse et ce que ça a généré comme sensations etc…

La complémentarité entre les ateliers et les sorties

Oui, juste une chose que je tiens à dire, à côté de tous ces groupes et activités il y a des sorties culturelles qui ont lieu souvent le soir et qui sont très importantes aussi, qui sont souvent dans la prolongation d’un atelier par exemple les sorties danse au théâtre de Chaillot. Elles sont effectivement quasi obligatoires pour les jeunes qui participent au groupe danse mais on y invite aussi d’autres jeunes qui découvrent à ce moment-là la danse contemporaine ; quelque chose qui peut être à la fois artistique mais aussi avec une dimension ludique, et à partir de cette découverte-là le jeune peut se dire : « Pourquoi je ne participerais pas l’année prochaine à cet atelier ? ». Il y a des sorties au théâtre qui sont souvent initiées par les enseignants auxquels les soignants se joignent.
Il y a des sorties en journée de théâtre en anglais qui sont proposées par l’enseignante d’anglais. Évidemment, toutes les sorties pour des musées et expositions sont souvent co-animées par notre art- thérapeute et des enseignants. Récemment, ils sont allés voir l’exposition Francis Bacon au centre George Pompidou avec une conférencière. Ces sorties se passent toujours très bien.

Et notre idée c’est que nos jeunes, je dis nos jeunes parce que ce sont nos jeunes aussi, ont droit à la culture comme tout un chacun, parce qu’une fois qu’on a goûté à la culture c’est pour la vie ! On en fera ce qu’on voudra mais on aura eu accès à ça. Il y a aussi des sorties depuis deux ans maintenant à la médiathèque de la ville de Paris pour aller écouter des concerts.

 

Interview N° 2 de l'association de parents - La construction du parcours de soin : du jeune à l’atelier

  • Résumé de la première interview

Nous avions réalisé un premier entretien avec le médecin directeur Bénédicte Chamoun afin de découvrir l’importance pour le jeune de s’inscrire dans un petit groupe à intervalle régulier. La notion d’« atelier à médiation » qui consiste à se réunir autour d’un objet facilitateur de l’échange nous avait permis de faire le lien entre les groupes qui se réunissent autour d’un objet culturel ou matériel et les difficultés pour les adolescents d’être d’emblée dans le langage comme mode d’échange et d’expression. Enfin, le docteur Chamoun avait explicité les principes structurants des ateliers, à savoir : développer la concentration personnelle en même temps que la bienveillance aux autres, cultiver l’écoute et le respect.

Les ateliers thérapeutiques, doivent répondre aux problématiques et spécificités de chaque jeune, dans un cadre collectif.

C’est sur cette thématique de la construction du parcours du soin de chaque individu que nous avions poursuivi l’entretien. Ce fut pour nous l’occasion de découvrir l’alchimie de la mise en place et de l’évolution des groupes, ainsi que les interactions entre les jeunes et les parcours proposés par l’hôpital de jour du Parc Montsouris.

Comment construit-on le parcours d’un jeune avec une série d’ateliers ? Qu’est-ce qui fait que pour un jeune donné on va plutôt lui choisir tel ou tel atelier ? Est-ce que c’est juste une question d’emploi du temps, de compatibilité des groupes ou est-ce que pour tel jeune on va plutôt privilégier tel atelier de médiation ?

S’appuyer sur les difficultés, les centres d’intérêt et les évolutions du jeune

Le projet pour chaque jeune dépend vraiment du jeune lui-même, ses difficultés repérées, ses centres d’intérêt aussi, sur lesquels on peut s’appuyer pour faciliter finalement l’adhésion à une activité. Et aussi au sein des ateliers, il peut y avoir des questions de compatibilité entre jeunes. C’est-à-dire que quand deux jeunes ont beaucoup de difficultés à se retrouver ensemble dans un atelier on évite au départ de les rassembler dans ce lieu. Je dis au départ parce que ça peut évoluer au fil de la prise en charge : des choses qui n’étaient pas possibles au départ peuvent le devenir.

Donc pour chaque jeune on va essayer de s’appuyer sur ce qu’on a pu repérer notamment lors de la semaine d’observation mais aussi dans les semaines qui suivent.

Des modalités d’approche adaptées aux capacités

Par exemple à un jeune dont on a vu qu’il aime bien dessiner, on va proposer l’atelier dessin. Mais on va lui proposer ce groupe, parfois de façon individuelle avec l’art thérapeute, parfois lors du groupe ouvert qui est effectivement accessible à tout le monde de façon libre ou dans le groupe fermé de dessin qui existe aussi sur une tranche horaire précise. La modalité d’approche va dépendre de ce qu’on a repéré de sa capacité à rester justement concentré sur une activité pendant une heure.

Si en cours de route un jeune ne se sent pas bien, est-ce qu’on réfléchit avec lui pour qu’il continue ou il y a-t-il des jeunes qui s’arrêtent ? Ou aménagez-vous au fur et à mesure ? Est-ce compliqué de modifier les emplois du temps ?

Exprimer et surmonter les difficultés

Une difficulté exprimée sous la forme d’un refus catégorique « Je ne veux plus aller à tel groupe » n’est pas entendable en tant que telle. Il faut que ça se déploie un peu, pour qu’on arrive à percevoir la difficulté qui s’exprime là. Est-ce que c’est lié à l’activité elle-même ? Aux gens qui la fréquentent ? Aux encadrants ? À quelque chose qui émerge tout à coup ? On essaie de travailler cette difficulté-là pour la surmonter. Et si elle nous paraît insurmontable on va la suspendre ou l’arrêter selon les cas.

L’emploi du temps, un contrat entre le jeune et l'hôpital de jour du Parc Montsouris

Mais une fois que l’on a effectivement signé son emploi du temps et donc accepté les groupes qui sont inscrits dessus, le jeune ne peut pas dire du jour au lendemain « Je ne vais plus à ça, ça ou ça ». Oui c’est une contractualisation entre le jeune et nous. C’est pour ça qu’il est reçu en entretien avec son référent par la directrice adjointe. Il lit son emploi du temps, le discute à ce moment-là, et le signe. Donc, c’est une étape très importante.

Il y a-t-il un bilan au sein de l’atelier lui-même pour que chaque jeune sache s’il a fait du progrès ?

Tout à fait il y a un bilan pour chaque atelier pour chaque jeune qui figure dans son dossier médical. Le bilan fait état de la progression ou de la stagnation ou de la régression à certains moments et de l’intérêt de poursuivre l’activité.

Le jeune est-il au courant de ça ?

Pas forcément directement, mais il en a un écho par les personnes qui animent le groupe et aussi lors de la discussion sur l’emploi du temps de l’année à venir. Il y a toujours un temps d’entretien justement autour de comment le jeune conçoit ses activités pour l’année suivante et comment il se sent. Est-ce qu’il souhaite poursuivre telle ou telle chose. Ou est-ce qu’il souhaite l’arrêter et si oui pourquoi ?

De la même manière, pour les jeunes qui sont dans les ateliers, s’il n’y a pas d’intérêt pour ce qui est  présenté ?

C’est un peu différent pour les jeunes parce qu’ils ont des a priori souvent sur tout. Ils peuvent nous dire « Ça m’intéresse pas » « Mais vous savez de quoi ça parle ? » « Non, ça ne m’intéresse pas ! ».

« Comment ça peut ne pas vous intéresser si vous ne savez pas ce que c’est ? » Il faut que le jeune ait des arguments pour nous le dire. Soit il la déjà pratiqué et ça a été compliqué pour lui ou inintéressant, ou soit il a un a priori. À ce moment, on l’invite à faire une période d’essai dans le groupe notamment les groupe clos. À aller participer à deux, trois, quatre séances et à faire le bilan ensuite de ces séances pour pouvoir dire en connaissance de cause « Ça ne m’intéresse pas ».

Les propositions d’ateliers viennent-elles toutes des encadrants ou d’autres idées ?

Il y a différents types de propositions. Il y a des choses qui émanent tout simplement de l’observation qui a eu lieu pendant la période de l’observation où l'on invite quand même assez fortement les jeunes en période d’observation à aller déjà dans tous les groupes ouverts pour voir ce qui s’y passe. Pour participer, etc… Après il y a aussi les rencontres. C’est-à-dire qu’un adulte peut rencontrer un jeune autour de quelque chose d’informel. Ça peut être un jeu de société proposé, une partie de ping-pong… Et quelque chose va se créer entre eux qui va permettre à l’adulte qui anime un atelier de dire « Moi, ce jeune-là je le verrais bien dans mon atelier. »

 

►Mars 2021

Interview N° 1 de l'association de parents - La construction du parcours de soin : du jeune à l’atelier

En alternance avec les temps scolaires, les 30 ateliers thérapeutiques du CEREP structurent l’emploi du temps et le parcours de soin de nos jeunes. Comme nous le découvrons généralement lors de la réunion de rentrée, leur contenu est varié et leurs encadrants sont investis voire passionnés.

Or, le contenu et le sens de ces ateliers restent une grande inconnue pour nous car nos enfants en parlent peu. Le plus souvent, ce n’est qu’à l’issue du parcours de soin, que nous en devinons la logique et ce à travers les progrès des jeunes.

Afin de nous aider à mieux nous approprier ces temps thérapeutiques qui sont le quotidien de nos enfants, le docteur Chamoun, médecin directeur de l’hôpital de jour du Parc Montsouris, a bien voulu répondre à nos questions avec une grande transparence et une pédagogie fort appréciables. Très investie dans le projet et soucieuse de l'accessibilité de ses explications dans un domaine qui n'est pas forcément simple, le docteur Chamoun nous a fourni un contenu très dense qui fera l’objet de différentes publications.

Nous allons aborder la première partie « LES ATELIERS THÉRAPEUTIQUES : pourquoi ? comment ? ».

  1. Groupe de parents - Quel est l’objectif des ateliers thérapeutiques ?

Bénédicte Chamoun - Il y en a plusieurs, variables, selon les ateliers.

Le travail en groupe à intervalle régulier

La première finalité est de travailler en petit groupe : être à plusieurs dans un lieu et un espace-temps définis de façon repérée, hebdomadaire, par exemple, tous les jeudis de 10H à 11H. Faire partie d’un atelier, c’est donc faire partie d’un groupe qui se retrouve à intervalle régulier pour travailler autour d’une thématique précise. C’est un des premiers objectifs commun à tous les ateliers.

Avec parfois un objet qui facilite l’échange

Ensuite, par rapport au contenu des ateliers, il y a différentes facettes et média : on parle d’atelier à médiation lorsqu’il y a un objet autour duquel on se réunit qui peut être un objet culturel ou un objet matériel plastique, un objet partagé par le groupe. Et je différencierais ça des ateliers qui n’ont pas de médiation directement objectivable comme le groupe de paroles. Sachant qu’il est souvent compliqué pour certains jeunes de cet âge et avec leurs difficultés particulières d’être d’emblée dans le langage, dans l’échange de paroles. Le fait de passer par un objet facilite en fait le partage de paroles.

  1. Groupe de parents - Qu’est-ce qu’on travaille principalement comme capacité et manière d’être dans les ateliers ?

Concentration et bienveillance pour le travail des autres

On travaille la capacité à se respecter mutuellement les uns les autres, à ne pas empêcher le cours de l’activité, à pouvoir à la fois être concentré sur son projet personnel et attentif à ceux des autres. Je pense par exemple au projet qui se travaille en art plastique : il y en a un qui modèle la terre, il y en a un autre qui fait quelque chose en peinture, un autre qui fait quelque chose en tissu... C’est un espace qu’on partage dans un temps commun. On a son travail à faire mais on peut avec bienveillance s’intéresser à ce que font les autres ; avec bienveillance justement et sans s’attaquer à la production des autres.

Écoute et respect

De même dans les groupes de parole, c’est aussi le même principe qui prévaut, c’est-à-dire pouvoir s’écouter les uns les autres, ne pas se couper la parole, ne pas s’insulter même si on a des différends et pouvoir aborder des problématiques qui peuvent être conflictuelles, car on est justement dans un cadre où ça peut s’exprimer sans altérer la présence des autres et leur possibilité de s’exprimer aussi.

  1. Groupe de parents - Sur les activités qui existent dans les ateliers est-ce qu’il y en a certaines qui sont essentielles, que vous ferez tout pour pérenniser quelle que soit l’évolution des personnes qui les encadrent et leurs domaines de compétences ?

Alors justement j’ai apporté des plannings et des groupes d’ateliers 2018/2019 et 2019/2020 et on peut y voir à la fois ce qui perdure, ce qui est constant et ce qui change. Il nous paraît important qu’on ait une palette d’activités qui explorent différents registres. Par exemple, il y aura toujours des activités sportives de différents types au sein du planning hebdomadaire d’activité parce qu’il nous paraît important de passer par le corps pour certaines choses et avec différentes modalités d’organisation. C’est-à-dire qu'il peut y avoir des activités sportives extrêmement structurées comme par exemple le groupe multisport cette année qui propose des sports collectifs ; ça va être le basket pendant un temps, puis ça va passer au volley au bout de quelques séances etc. Et ça nécessite finalement à la fois une certaine conscience de son corps, une certaine coordination, une possibilité d’accepter des règles de jeux existantes. Cela s’adresse à un type particulier d’adolescents. On a un autre groupe qui s’appelle « jeux sportifs » qui existe depuis plusieurs années et qui est beaucoup plus ludique. Il comporte beaucoup plus de temps d’exercices corporels, ce qui permet effectivement l’exploration de son corps, sans que les choses soient forcément extrêmement structurées au départ. Et donc, on a un des groupes sportifs quoi qu’il en soit tous les ans.

On a également des activités qui tournent autour de la médiation culturelle tous les ans. Elles peuvent changer d’objet. On a un groupe qui s’appelle « Vie et mort des héros » qui existe depuis quatre ou cinq ans, qui part un peu de l’intérêt que peuvent avoir les adolescents pour les figures des héros, que ce soit ceux de la mythologie grecque mais aussi ceux des films d’aventure comme dans la série des Avengers maintenant par exemple. Le contenu de l’atelier peut changer d’une année à l’autre. On va  consacrer une année à la mythologie et l’autre année on va regarder des films qui parlent des héros et il y aura un temps de discussion mais toujours autour de cette thématique-là : Qu’est-ce qu’un héros ? Qu’est-ce qui le définit ? A-t-il des super-pouvoirs ? Comment finissent-ils ?

Donc, grosso modo, on a des groupes autour des thématiques culturelles, des groupes autour de médiations plastique et artistique, des groupes autour du sport et de l’expression corporelle et des groupes dits de paroles qui se déclinent également selon différentes modalités. Par exemple, on a un groupe garçon, qui est réservé aux garçons, et qui leur permet d’exprimer des préoccupations de leur corps d’adolescent garçon, de leur éveil à la sexualité, de la question de « comment aborder les filles ? » etc. Ils peuvent ainsi justement discuter en l’absence des filles, ce qui est plus facile pour eux. De la même façon, il y a eu auparavant un groupe de filles qui était dédié aux filles. On a aussi un groupe de paroles qui est ouvert à tout le monde. On a un groupe de paroles un peu plus dédié à la gestion des situations conflictuelles entre jeunes à l’intérieur de l’hôpital de jour où on peut débattre des choses en nommant les personnes, ce qui n’est pas possible à l’assemblée générale, cela grâce à la présence des trois adultes qui co-animent ce groupe pour justement un peu sortir du face-à-face, de la frontalité. C’est un groupe de paroles ouvert tous les vendredis matin.

Et puis on a des groupes plus spécifiques, par exemple le groupe « T’es cap, » depuis deux ou trois ans qui s’adresse aux jeunes qui sont en train de sortir et où ils parlent justement de toutes les difficultés, angoisses et inquiétudes générées par l’idée de la séparation, de se séparer d’un lieu où on a été longtemps. On les invite alors à se souvenir de la manière dont on s’est déjà séparé dans sa vie parce qu’il y en a déjà eu pas mal de séparations quand on arrive à l’âge de vos enfants.
Comment on a surmonté ça ? Est-ce qu’on a été capable de le faire ? Qu’est-ce qui est difficile ? Qu’est-ce qui est angoissant ? Voilà trois types de groupe de paroles différents avec des objets différents.

Février 2021