"Psychiatrie : l'état d'urgence"

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Une interview donnée par le professeur Marion Leboyer, l'invitée du Grand Entretien de la matinale de France Inter ce 7 septembre...

Dans son livre "Psychiatrie : l'état d'urgence", co-rédigé avec le professeur Pierre-Michel Llorca, le professeur Marion Leboyer, psychiatre et chercheur, directeur de la fondation fondaMental dresse un diagnostic de la situation de la psychiatrie française. Alors que de nombreux soignants dénoncent une situation critique et que la colère gronde dans certains hôpitaux psychiatriques en grève, la psychiatrie connaît-elle aujourd'hui un état d'urgence ?

Ces grèves témoignent de l'épuisement des soignants par manque de moyens, estime Marion Leboyer. Les maladies psychiatriques, aujourd'hui, c'est 12 millions de Français concernés."

Marion Leboyer, professeur et chercheur : "Les maladies psychiatriques aujourd'hui c'est 1 Français sur 5 (...) et il y a un retard de diagnostic extrêmement important" #santé#psychiatrie#le79Interpic.twitter.com/v45AYJZhHD

    — France Inter (@franceinter) September 7, 2018

Par exemple dix ans, pour les troubles bipolaires, entre symptômes et traitements, alors que ces derniers marchent. Etre diagnostiqué tôt, ça veut dire guérison.  

Marion Leboyer : "Il faut changer la vision de ces maladies, comprendre que ce sont des maladies comme les autres" #psychatrie#l79Interpic.twitter.com/Fc3xRlfXPG

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Dans les sociétés industrialisées, 0,16 pour 100 000 homicides sont commis par des malades mentaux, c'est très peu.

"Les pédopsychiatres partent à la retraite, il faut les remplacer ", explique encore la spécialiste qui ajoute : "Aujourd'hui, la psychiatrie est très hospitalo-centrée les moyens qui aurait pu améliorer l'accès des soins en ville n'ont pas été déployés." Et qu'attendre du "plan hôpital", bientôt dévoilé par le gouvernement ? "Si ce plan va dans le bon sens, on attend beaucoup plus, un calendrier, un comité de pilotage, une réflexion sur la place des familles ou que la recherche soit soutenue."

La psychiatrie est pour nous dans le même état que l'était la prise en charge du cancer il y a vingt ans. Les malades étaient stigmatisés, on ne prononçait pas ce nom-là. Et puis l'État a fait un effort considérable.

Marion Leboyer, co-auteur de "Psychiatrie : l'État d'Urgence" : "Aujourd'hui, la #psychiatrie est dans le même état que l'était la prise en charge du cancer il y a 20 ans" #santé#le79Inter@ndemorandpic.twitter.com/nidYFJlsSH

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"Pour que les familles s'y retrouvent, il faut un portail dédié", avance aussi Marion Leboyer, pour que chaque patient puisse trouver un praticien, comprendre son parcours de soin.  "Dans un hôpital parisien, avance Danielle Messager, spécialiste santé de France Inter, il y avait 45 psychiatres il y a vingt ans, il y en a 24 aujourd'hui."

"On a aussi besoin d'une psychiatrie spécialisée par pathologie", explique le professeur Leboyer, qui évoque un "point crucial" : "À cause des clivages entre médecine générale et médecine psychiatrique, il n'y a pas de prise en charge des patients."

Sur le soutien aux familles : les associations de patients demandent de créer "des consultations familiales, qu'elles fassent partie du dispositif de soins", ou encore "créer aussi le métier de pair aidant, des ex-malades qui peuvent témoigner du suivi du traitement", sans compter aussi "l'importance de l'aide de la prise en charge à domicile" ou de l'absence de psychiatrie en milieu rural, comme en témoigne un auditeur : "Il faut repenser l'articulation des soignants entre eux."

40 % de psychiatres en moins depuis quarante ans en dépit des 12 millions de personnes touchées par la maladie mentale chaque année : une situation déclarée « intenable » par le professeur Pierre-Michel Llorca, chef de service au CHU de Clermont-Ferrand, dans une interview donnée au Monde.