La convergence tarifaire des CMPP dans les règles de l’art ?

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Méthode de traitement et d'analyse des données d'un CMPP : de nombreux paramètres à prendre en considération !

Dans son rapport d’orientation budgétaire 2019 (ROB) pour les établissements médico-sociaux du 6 juin 2019, la direction de l’autonomie de l’ARS préconise dans l’annexe 3  « activité des établissements et des services » un prix à l’acte pour les CMPP d’Île-de-France.

Nous pouvons saluer le travail qui a été réalisé ces dernières années par l’ARS en collaboration avec la fédération des CMPP pour construire « le rapport d’activité standardisé des CMPP » qui « a permis d’avoir une vision plus précise de leur activité à la fois qualitative et quantitative. » Il nous semble que cet outil peut permettre non seulement d’établir des points de comparaison entre les établissements, mais de lire et d’analyser aussi l’activité propre d’un CMPP.  
Nous ne remettons donc pas en cause l’étude et les objectifs suivis pour une « convergence tarifaire », cependant, nous remettons en question la méthode de traitement et d’analyse des données, et les résultats annoncés.

Certes, lorsque l’on connaît les CMPP, le travail n’est pas aisé pour trouver un prix à l’acte commun à toutes les structures (si tant est qu’il soit pertinent d’avoir un prix unique en la matière) ; il est écrit dans le ROB «  plusieurs scénarios ont été envisagés pour déterminer la cible d’activité la plus juste : prise en compte de la file active, du nombre d’enfants présents…  mais la très grande hétérogénéité du travail réalisé dans les CMPP a conduit à écarter ces solutions ».  
 
Ainsi, la Direction de l’Autonomie a choisi de diviser le budget de chaque établissement par le nombre d’actes réalisés ce qui donne le prix de l’acte pour chaque CMPP. La division est des plus simples car elle présente un numérateur de charges indifférenciées (en réalité la dotation mais qui est en regard des charges dans les faits) et un dénominateur qui est le nombre d’actes.    

Si l’on admet que les pratiques et les prises en charge sont très différentes du fait de la prise en compte des besoins de chaque enfant et de sa famille, ainsi que des contextes scolaires et sociaux, pour autant il y a des critères que l’on ne peut écarter dans la structure des budgets de chaque établissement et qui viennent augmenter le numérateur. Il en va ainsi des charges de loyers ou encore des frais de siège.

Certains CMPP sont hébergés à titre gracieux dans des structures municipales typiquement dans les départements de proche banlieue (92-93-94) ou encore sont soumis à des loyers modestes typiquement en lointaine banlieue, ce qui n’est absolument pas le cas sur le département 75.  

Donc, si le numérateur est augmenté, alors le résultat de la fraction l’est également, et donc le prix de l’acte augmente.

Du côté de l’activité, certains CMPP bénéficient encore de professionnels de l’Éducation nationale non rémunérés par le CMPP mais qui contribuent à réaliser des actes.  
Donc, si le dénominateur est augmenté, alors le résultat de la fraction est diminué, et donc le prix de l’acte diminue.   

Les choses n’étant pas aussi simples, il sera nécessaire de prendre en compte l’un et l’autre, le numérateur et le dénominateur. 

L’autre question rencontrée est celle de la maîtrise des techniques statistiques par l’ARS ; si les données utilisées pour définir le prix médian de l’acte sont celle l’étude « Bilan de l’activité 2017 des CMPP et définition de l’activité des CMPP », alors il y a eu une confusion dans ce qu’est un coût médian et un coût moyen.

Théoriquement, après avoir ordonné les données (en général dans un ordre ascendant) le coût médian détermine la valeur pour laquelle il y a 50 %  des valeurs qui se situent avant et 50 % qui se situent après la valeur « coût médian ».

À partir de l’étude « Bilan de l’activité 2017 des CMPP et définition de l’activité des CMPP », nous avons donc reclassé les données par département et par ordre croissant, et ainsi nous avons pu déterminer le prix médian et le prix moyen pour chaque département. 

Pour le département 75, il ressort en 2017 de l’un des CMPP un prix de l’acte à 61.06 euros qui est une valeur extraordinaire et que nous pourrions écarter de l’étude ce qui donnerait un coût médian de l’acte à 135.03 euros.  

Il en va de même pour le département 91 avec une valeur du prix de l’acte à 61.74 euros. Le coût médian serait donc de 122.40 euros.  

A l’inverse dans le département 93, nous pouvons écarter un prix de l’acte à 395.80 euros, ce qui donne un prix médian rétabli à 99.10  euros.  

Lorsque la méthode statistique est correctement appliquée, alors apparaissent à la lecture de réelles disparités déjà dans chaque département, mais également entre les départements.

Comment a procédé la Direction de l’Autonomie pour afficher les coûts médians de l’étude ? Quelle est donc la pertinence de prendre le prix médian ou même le prix moyen ?   

Si l’on s’en tient à une étude budgétaire, ne faudrait-il pas distinguer les éléments budgétaires des trois groupes du cadre règlementaire ?
Ne faudrait-il pas regarder où sont présents les personnels de l’Éducation Nationale par CMPP et par département ?   

►Pour rappel, la classification des charges se fait en groupe :

  • Groupe 1 - Charges afférentes à l’exploitation courante.
  • Groupes 2 - Charges afférentes au personnel
  • Groupe 3 - Charges afférentes à la structure

Le prix de l’acte tel qu’il a été réalisé dans l’étude 2017 de l’ARS :
Prix de l’acte = CHARGES (dotation)/NOMBRE D’ACTES 
Dans un courrier du 5 juillet 2019, la Direction de l’Autonomie de l’ARS répond au président de la FDCMPP qui remettait lui aussi en question l’approche.  

Là encore, nous pouvons interroger la méthodologie et le raisonnement suivi. Il y a bien une approche par groupe de charges qui est intéressante, cependant il serait nécessaire de regarder dans le détail les CMPP et non amalgamer des coûts médians, des moyennes, des moyens et différents types de métiers :

-    Il est écrit dans le courrier, « En ce qui concerne les personnels des CMPP et notamment ceux mis à disposition par l’Éducation nationale, seuls 12 des 72 CMPP ayant contribué à l’étude, disposaient en 2017 de personnels de l’Éducation nationale (psychopédagogues ou psychologues), représentant 32.42 ETP (soit 3.8 % des 909 ETP travaillant dans ces CMPP) ».

Si l’on reprend le tableau de l’étude 2017 ci-dessous, alors on voit que tous les professionnels ne participent pas aux actes ; il en va ainsi des 248 ETP administratifs.  Nous ne sommes donc plus sur 909 ETP, mais sur 661 ETP.

 

De plus, seuls 12 des 72 CMPP bénéficient des 32 ETP de l’Éducation nationale. L’impact sur ces 12 CMPP et sur le dénominateur de leur fraction est alors considérable, ce qui baisse le coût de l’acte et déplace les coûts médians. Nous savons par ailleurs que les CMPP disposant de personnels de l’Éducation nationale sont majoritairement ceux du département 93 qui disposent également de conditions avantageuses pour leur loyer (groupe 3).  

-    « Pour faire suite à votre demande de prise en compte, dans la construction du coût médian unique (119 €) » ; c’est là une méprise, un coût médian ne se construit pas, il se constate.  

-    « On constate que le coût médian à l’acte pour les CMPP dont le groupe 3  est supérieur à 15 %, s’élève à 125 € contre 104 € pour ceux dont le groupe 3 est inférieur ou égal à 15 % ». Il y a encore une confusion des notions et des termes utilisés. Les « 104 € » ou les « 125 € » sont justes des coûts, les résultats de la fraction « dotation/nombres d’actes » ; à cela, nous ajoutons qu’il est nécessaire de regarder à la fois le numérateur et le dénominateur.  

- «  En ce qui concerne la prise en compte d’éléments de contexte, si l’ARS Île-de-France est consciente que les CMPP sont confrontés à des situations difficiles liées notamment à la complexités des situations des enfants accueillis, il n’apparait pas pertinent de prendre en compte les problématiques rencontrées par les 104 CMPP pour déterminer une cible d’activité. Ces éléments seront pris cependant en compte a posteriori, dans le cadre du dialogue de gestion avec les opérateurs, et non a priori. »

L’ARS ne souhaite pas tenir compte des situations particulières dans le cadre d’une politique globale certes, mais qu’elle ne tienne pas compte de spécificités de territoires avec de forts impacts structurels de budget, on peut se poser des questions.  « 119 euros » correspond à un prix que l’on est prêt à mettre pour les CMPP qui est déterminé par la dotation globale alloué à l’ARS comme cela est écrit dans le courrier « en ce qui concerne la base prise en compte pour calculer le cout à l’acte, l’Agence Régionale de Santé s’est appuyée sur la dotation qui lui est léguée ». Peut-être aurait-on dû commencer par cela, ça nous aurait évité des études et l’utilisation hasardeuse de concepts et de notions statistiques.  

Si l’objectif de l’ARS pour les CMPP est la performance, alors la convergence tarifaire telle que présentée ne concerne qu’un seul de ses axes, l’efficience devant le contribuable et les finances publiques. N’oublions pas la qualité devant l’usager et l’efficacité pour les populations.  

Enfin, nous ne remettons pas en cause la démarche qui vise à optimiser l’activité, mais avec la dotation qui lui est déléguée l’ARS n’a pas trop le choix.  Or nous pensons que d’autres leviers autres que celui d’un prix régional harmonisé pourraient être actionnés pour augmenter la quantité d’actes sans nuire à la qualité des soins proposés.

 

Grégory Magneron, directeur général de l’association Cerep-Phymentin, février 2020