Chez Cerep-Phymentin mais de manière générale dans tous les établissements au service de l’humain, du soin et de l’écoute, existe un bien très précieux, prisé de tous et souvent même insaisissable : le temps.
Mais qu’est-ce que ce fameux « temps » qui nous file entre les doigts ? De quoi parle-t-on ? Et surtout, comment oser « prendre le temps » de penser, lorsqu’on a à peine le temps d’accompagner ?
Lisons ce que le Larousse nous en donne comme définition :
1. Notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les événements.
2. Mouvement ininterrompu par lequel le présent devient le passé, considéré souvent comme une force agissant sur le monde, sur les êtres.
Ces manières très concrètes de définir ce bien capricieux, introduisent parfaitement la suite de cette petite réflexion. Moi, j’en retiens que c’est un bien infini dans lequel l’enchaînement d’évènements, ayant un impact sur l’environnement et les êtres, EST LA NORME.
Ainsi, il y a ceux qui en manquent cruellement, ceux qui ne le voient pas passer, ceux qui cherchent désespérément à mieux l’organiser, mais également les super maîtres du temps qui impressionnent toujours par leur capacité à tout anticiper ; et tout ce monde-là n’est rythmé que par une chose : Lui, encore. Tic, tac, tic, tac.
L’alarme, l’horloge, la notification, l’agenda, toujours là pour nous rappeler que nous n’avons pas le temps. Tic, tac, tic, tac.
Quoi qu’il en soit, il s’agit, là, d’une bien longue introduction, c’est l’heure de notre rendez-vous mensuel. Prenez le tempo, et bienvenue dans les petites réflexions qualité de la lettre interne.
Notre quotidien
Soyons honnêtes : si le temps se mesurait en kilomètres, nous aurions tous eu notre chance en tant que marathoniens aux JO PARIS 2024.
Car pour courir, nous courons, et ce, tous les jours. Le marathon de l’agenda, du dossier complet, des événements « surprises » qui font le « charme » de notre quotidien en établissement, de l’enfant et des familles satisfaites, de la mise en œuvre du projet personnalisé, de l’accueil que nous œuvrons chaque jour à toujours rendre le meilleur possible ; est une discipline dans laquelle nous excellons.
Mais courir trop longtemps et dans trop de directions : c’est énergivore et très vite épuisant. Il est intéressant alors de se demander si nous savons où nous allons ?
La feuille de route, nous le savons, c’est la loi et nos textes de références, la HAS, l’ARS, et ce, au travers de la satisfaction et le soin des enfants qui en ont besoin.
Mais notre cheval, ou vélo (pour être plus contemporaine) : l’avons-nous bien choisi, est-ce que nous le ménageons, et surtout sommes-nous sûrs que chaque acteur de l’équipe pluridisciplinaire ait le casque, les genouillères et tous les équipements pour être en selle ?
Prenons un exemple : combien de réunions « vite fait » ont été lancées pour « gagner du temps » et se sont terminées par une confusion généralisée et une redistribution urgente de tâches mal définies ?
Si cela vous semble familier, c’est que vous avez sans doute déjà vécu l’effet boomerang du temps mal investi. Au lieu de gagner du temps, nous fabriquons un monstre administratif ou organisationnel qui nous en dévore encore plus. C’est presque ironique : vouloir aller plus vite nous ralentit.
« Prendre le temps d’analyser collectivement hier, pour mieux agir demain » : une idée subversive ?
Il est vrai que dans le contexte précédemment établi de « rush » permanent ce genre d’idées peut sembler pour certains irréalistes et pour d’autres encore aussi scandaleuses que de proposer une sieste obligatoire en plein service.
Mais… Il y a une logique imparable dans cette folie apparente : réfléchir ensemble, en amont, permet d’agir plus efficacement, en aval. Oui, oui, c’est presque… mathématique : c’est la logique du PDCA (Plan Do Check Act ou La roue Deming).
Quand une équipe prend le temps de poser les choses – de penser la qualité des soins, de redéfinir des priorités, de revoir un protocole, ou même de simplement se demander « comment mieux faire ? » – elle investit.
Investir du temps pour éviter les allers-retours inutiles, les malentendus destructeurs et les actions bâclées qui, de toute façon, devront être refaites.
Cela demande du courage, bien sûr : celui de s’arrêter quelques instants dans un environnement où tout crie « urgence ! ». Mais n’oublions pas que l’urgence permanente est le meilleur moyen de transformer une équipe en cocotte-minute.
Gagner du temps en en prenant : oui, mais comment ?
Commençons par briser un mythe : réfléchir ensemble n’est pas une perte de temps, c’est une économie à long terme. Mais attention, on ne parle pas ici de « réunionite » – ce sport national dans lequel chacun prend son mal en patience tout en consultant discrètement ses mails.
Non, on parle de vrais temps d’échange, où les idées circulent, où les problèmes sont nommés, où chacun est légitime, et où des solutions concrètes émergent.
Pour cela, quelques ingrédients clés :
⦁ Des objectifs clairs : À quoi veut-on arriver ? Si la réponse est « Je ne sais pas, mais on verra bien », c’est mal parti.
- Des fiches pratiques, des procédures et protocoles pour les actions énergivores et menant souvent à des dysfonctionnements (se formaliser nos bonnes pratiques partagées).
- S’approprier véritablement nos projets d’établissement et ses fiches actions. Le rendre vivant pour construire au fil des années sa transformation…
- Définir le ou les rôles de tous les acteurs ou groupes d’acteur des équipes pluridisciplinaires
⦁ Une écoute active : Chacun apporte une pièce au puzzle. Même la petite idée anodine du coin de table peut devenir la clé du problème.
- Favoriser un climat de sécurité psychologique afin que chaque parole se sente légitime (c’est notre point fort : nous sommes experts de la santé mentale et de la formation)
- Diversifier les moyens d’expression, ceux des familles, les nôtres.
⦁ Un suivi rigoureux : Parce que réfléchir, c’est bien. Mais si rien n’est fait derrière, autant appeler ça une pause-café.
- Prendre le temps de formaliser nos réflexions collectives et systématiquement définir temporellement les actions à mettre en œuvre pour que nos idées soient des projets,
- Travailler en mode projet sur nos Plan d’Amélioration Continue de la Qualité des Soins (PACQS) et y trouver, tous, notre rôle,
- Un retour systématique aux parties concernées du cheminement de leurs idées.
Une invitation (pleine de bons sentiments) à ralentir pour mieux avancer
Prendre le temps de penser collectivement, ce n’est pas une lubie de philosophe ou une invitation à la procrastination. C’est une nécessité.
Car, au fond, quel est l’objectif d’un établissement de soins ? Soigner mieux, accompagner mieux, soulager mieux. Et si courir à perdre haleine nous empêche d’y parvenir, alors il est peut-être temps (justement) de revoir nos priorités.
Prendre le temps de penser l’amélioration continue, c’est s’offrir une chance d’enrichir nos pratiques collectives par l’apport de l’ensemble ! Aristote nous apprit que « Le tout est plus que la somme de ses parties ». Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces temps de réflexion ne demandent pas des heures (ni une réunion hebdomadaire sur la qualité de la réunion précédente).
Parfois, quelques minutes bien cadrées suffisent pour faire émerger des solutions qui feront gagner des heures, voire des jours. Une collègue proposait 5 min sur une thématique qualité au début des réunions habituelles ! Pourquoi pas ?
Alors sur les conseils de notre cher Aristote, et pas que nous ne le faisions pas déjà, mais, favorisons, du mieux que l’on peut, les voies et actions pour faire briller le Tout en pensant une place pour les temps de réflexion non cliniques.
Merci pour votre temps, je mesure bien qu’il est précieux,
♣ Votre collègue, Francesca