Vous avez dit Qualiopi ?

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Qualiopi impose la remise à plat d’un fonctionnement, interroge certaines pratiques, fait surgir de nouveaux questionnements, s’attarde sur des points jusque-là ignorés.

Si la qualité a toujours été une exigence au cœur des préoccupations du Copes - qualité de sa réflexion, des formations dispensées, de ses équipes, de ses intervenants - il semble paradoxalement que celle-ci peine à être décrite par les labélisations qualité successives auxquelles il a dû se conformer. Focalisée sur des critères bien éloignés de la pensée du professeur Soulé qui imaginait bien sûr un lieu d’enseignement, mais aussi et surtout un espace d’échanges et de rencontres pluridisciplinaires, ces démarches qualité sont souvent vécues par les équipes comme une succession de contraintes rigides aux exigences absurdes. On peut comprendre le découragement de ceux qui s’engagent et s’impliquent pour faire vivre cet espace singulier, libre, humaniste lorsqu’ils se voient imposer des procédures standardisées tout aussi bien valables pour des organismes formant aux tableurs Excel. On peut entendre leur impatience face à une tâche chronophage, à première vue dépourvue de sens.

Et pourtant. Pourtant le Copes ne peut faire l’impasse de cette certification qualité sans laquelle il ne pourrait prétendre aux financements publics ou mutualisés au cœur de son économie. Les équipes consacrent donc une énergie non négligeable à résoudre ce qui ressemble bien souvent à la quadrature d’un cercle. Inscrire dans les angles droits d’un référentiel la rondeur d’un esprit, d’une vision, d’une pensée. Ils s’impliquent dans cet exercice car il en va de la pérennité du Copes et qu’aucun d’eux ne voudrait voir disparaître cet espace de liberté où s’expriment chaque année les attentes et les interrogations de quelques 2 500 professionnels du champ psycho-social.

Ceci étant posé, on ne peut se satisfaire d’une posture qui consisterait à subir cette démarche qualité sans tenter de se l’approprier et d’en tirer des bénéfices, car bénéfices il y a parfois dans la contrainte si l’on ne s’arc-boute pas sur une opposition stérile. Et le Copes est tout à fait à même de dépasser ses réflexes défensifs pour se saisir des possibles offerts par le nouveau référentiel qualité Qualiopi auquel il doit satisfaire avant la fin de l’année. En s’attachant aux nombreuses étapes de la mise en place des formations, Qualiopi impose la remise à plat d’un fonctionnement, interroge certaines pratiques, fait surgir de nouveaux questionnements, s’attarde sur des points jusque-là ignorés. Et de tout cela le Copes peut tirer des retombées positives. Non que le Copes refuse habituellement cette introspection, bien au contraire, elle est au cœur de son ADN, se remettre en question, être attentif aux problématiques qui surgissent, aux nouvelles expérimentations, mais l’exercice de la qualité formalise cette démarche, acte des évolutions, entraîne des précisions bénéfiques.

Reconnaissons qu’à ce jeu, le Copes se révèle souvent Monsieur Jourdain, répondant à certains critères du référentiel sans l’identifier comme tel, car sa réflexion, son éthique l’ont amené à baliser depuis longtemps certains points. Il suffit alors de décrire et d’écrire (!) l’existant. Car là est bien une des exigences majeures des référentiels qualité. « Tout ce qui n’est pas écrit n’existe pas » martèle Philippe Joffre du cabinet Paradoxes qui accompagne le Copes dans son passage à Qualiopi.

Alors on décrit, on écrit, on pose, on décompose pour arriver à produire pour chaque critère des procédures qui recensent toutes les étapes de la mise en place du point observé. Activité peu enthousiasmante de prime abord, il y a tellement à faire ailleurs, de plus urgent, de plus essentiel au sens premier du terme. Pourtant, visionné plan par plan le film de l’action révèle des obsolescences, des mises à jour s’imposent, des solutions surgissent, le temps n’est pas perdu. Et quand bien même on ne modifie rien, il y a dans ces descriptions quelque chose du mode d’emploi gage d’une continuité précieuse. Sans aller jusqu’à faire l’affront d’adhérer à l’adage qui rappelle que les hommes passent et les écrits restent qui nierait grossièrement l’importance de la parole, de l’échange « volatile » dans la passation de l’esprit Copes, on ne peut sous-estimer l’utilité de cette charpente à laquelle chacun peut se référer à tout moment.

Ce travail d’écriture est aussi l’occasion d’affirmer ses positions, ses choix, ses divergences par rapport à ce qui est exigé. Satisfaire à une labélisation qualité ne signifie pas renoncer à ses valeurs.

Prenons par exemple le cas de l’évaluation. Qualiopi plus encore que les précédents référentiels qualité auxquels le Copes a dû se confronter s’attache à celle-ci à toutes les étapes de la formation. Il entend à travers elle vérifier l’adéquation entre les attentes des stagiaires et leur choix de formation, l’atteinte des objectifs de celle-ci et sa mise en pratique dans un environnement professionnel. Respect sourcilleux du modèle de Kirkpatrick qui théorisa dans les années 50 l’évaluation de la formation, gage sonnant et trébuchant donné aux financeurs qui entendent que leur argent soit bien employé, tracé, efficace, qu’importe, on ne peut plus couper à cette sommation.

Mais que faire quand elle va à l’encontre de ce qui fait l’essence de ce qui a été imaginé il y a 45 ans ?  S’attarder à évaluer des acquis concrets dans une formation Copes c’est en effet passer à côté de tout ce qui fait la valeur de cette formation qui ne réside pas dans la seule maîtrise d’un savoir mais dans le fait de penser autour de situations complexes, de partager avec des confrères questionnements, enthousiasmes et parfois agacements. C’est détourner l’attention des stagiaires vers tout autre chose que la richesse singulière de la proposition.

Alors prendre le temps d’écrire noir sur blanc pourquoi on fera différemment et par là montrer que l’on a réfléchi au sujet, qu’il est en cohérence avec ce que le Copes est et auquel il ne renoncera pas. « Tout ce qui n’est pas écrit n’existe pas », soit, écrivons.

Mais n’oublions pas derrière ce travail descriptif les leviers bénéfiques qui peuvent se dissimuler derrière cette démarche qualité rigide. C’est là où contre toute attente la certification qualité peut se révéler positive, où son interprétation peut devenir créative, riche, stimulante. 

Au terme d’une saison passée à préparer la prochaine certification Qualiopi qui aura lieu en décembre prochain le Copes a d’ores et déjà mis en place des actions qui viennent dynamiser son fonctionnement, fédérer autour de ses valeurs.  Obligés de penser formation continue de ses salariés, le Copes a en effet initié un parcours destiné à ses formateurs. Il a pour cela réfléchi à des sujets et des formats adaptés à leur nombre et à la disparité de leur fréquence d’intervention. Mais avant toute chose, il les a sollicités à travers une enquête les interrogeant sur leurs souhaits et leur a soumis des pistes de propositions futures. Les nombreuses réponses à cette invitation ont prouvé son bien-fondé, elles ont révélé des attentes, des désirs, le souhait de s’impliquer dans une réflexion. De tout cela est né un premier webinar qui a eu lieu début juin autour de la question de la formation distancielle. Le format et le sujet de cette première action en disent beaucoup sur les réalités et les intérêts des formateurs. Le webinar se révèle un format privilégié pour des formateurs aux agendas bien remplis, la question du distanciel mise en lumière par le confinement un sujet sur lequel on ne peut faire l’impasse.

En traitant la question de la formation des formateurs le Copes en a abordé d’autres sur lesquelles se penche aussi Qualiopi. Celles de la prise en compte des évolutions techniques et pédagogiques. Il y répondra. À sa façon, profondément vigilant à ne pas se dédire, à en tirer ce qui lui correspond, à respecter son esprit et tous ceux qui y adhérent. Institutions, stagiaires, formateurs qui lui sont fidèles depuis bientôt un demi-siècle. Le Copes sera toujours le Copes, les référentiels qualité passent, le Copes demeure.

Sophie-Anne Réquillart, chargée de mission, en CDD, au Copes