Traumatismes

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Guerre en Ukraine : comment en parler aux enfants, un pédopsychiatre recommande des filtres de protection...

Selon le docteur Dominique Mastelli, un enfant de moins de six ans ne doit pas rester seul face aux images de guerre en Ukraine du journal télévisé.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les images affluent, crues, violentes et potentiellement traumatisantes pour les plus jeunes d’entre nous. Comment parler de cette guerre aux enfants ? Pour le docteur Dominique Mastelli, pédopsychiatre et responsable de la cellule d’urgence médico-psychologique du Bas-Rhin, il est important de parler.

Bombardements, population en fuite, enfants en larmes errant sur les routes avec, comme simple bagage, un petit sac sur le dos : les images d’Ukraine qui déferlent sur les antennes depuis le début du conflit bouleversent le monde. Si les adultes peuvent prendre un certain recul, pour les enfants, c’est une autre affaire. Pour le docteur Dominique Mastelli, pédopsychiatre et responsable de la cellule d’urgence médico-psychologique du Bas-Rhin, il est essentiel d’en parler et d’apporter des réponses graduées en fonction de leur âge.

Que faire, que dire ?

" Mettre un enfant de moins de six ans seul devant la télévision, ça n’est pas bien. Il faut que quelqu’un, garant de sa sécurité au quotidien (celui ou celle qui le nourrit, qui le couche le soir, qui lui met son manteau), soit à ses côtés pour raconter l’image qu’il reçoit. Il faut l’aider à comprendre qu’il y a son monde à lui et le monde extérieur. "

" La famille, c’est le premier facteur de protection. On le voit aussi avec les enfants qui arrivent d’Ukraine : tant que les enfants peuvent rester en famille, dans des endroits où les choses sont rassurantes parce qu’autour d’eux, il y a des personnes qui les protègent, ca va. Ce sont les déplacements de populations, les séparations qui sont les plus importantes et traumatisantes pour les enfants. "

" Face à une image, il faut faire parler l’enfant pour comprendre ce qu’il en a compris et adapter sa réponse. Le trauma naît lorsqu’il faut se donner, à soi-même et en urgence, une explication à quelque chose qu’on ne comprend pas. Parler avec son enfant d’une image potentiellement traumatisante, c’est faire de la prévention psycho-traumatique."

Dominique Mastelli, pédopsychiatre et responsable de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique du Bas-Rhin
 

" L’idée est de mettre des filtres, un peu comme si on rajoutait des pelures d’oignon, des couches de protection pour lui faire comprendre qu’il a un monde à soi et un monde extérieur. Si l’on reprend l’exemple d’un journal télévisé, on peut lui montrer que l’Ukraine n’est pas le seul sujet traité. Il y a aussi les élections présidentielles, des idées de sorties, des reportages de voyages. Cela met une certaine distance."

" On peut aussi lui expliquer qu’entre lui et l’Ukraine, il y a sa famille, son école, son pays, l’Europe et que tout cela, ça fait beaucoup de monde qui le protège. Arrivé au collège, l’enfant entre en contact avec d’autres figures de l’autorité, ses enseignants, par exemple. En multipliant ses sources, l’adolescent va peu à peu se forger une opinion propre de la situation, en intégrant ses cours d’histoire, de géopolitique, etc. "

Faut-il éteindre la télévision ?

"Je ne suis pas d’accord avec cela. Eteindre voudrait dire qu’on essaie de cacher, de dissimuler quelque chose. En revanche, je le répète, il faut être à côté d’eux pour raconter l’image. On peut sélectionner des séquences courtes du journal et les expliquer. Trois minutes d’images, cinq minutes d’explications."

Et quand le parent est lui-même angoissé ?

" Dans 80% des cas, les symptômes qui apparaissent ou qui s’accentuent, sont liés à l’état émotionnel des parents. Plus le parent est inquiet, moins l’enfant se sent protégé. C’est d’ailleurs la double peine sociale. Les images ont un pouvoir de réactivation et c’est là que nous ne sommes pas égaux. "

" Les personnes qui ont déjà connu la guerre vont se replonger dans ce qu’ils ont déjà vécu. Et on le voit dans nos consultations : nous recevons aujourd’hui des Tchétchènes, des Roumains, des Africains, des gens qui ont connu la guerre et qui, par une image ou un son, replongent dans le moment où ils ont souffert."

" Chaque trauma réactive les traumatismes qui n’ont pas pu être pris en charge : c’est ça l’impact du psycho-trauma."

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