Penser l’après

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Pour une école de l’essentiel...

Que finisse la guerre des égos, et que vienne le temps des savants modestes, sachant qu’il reste tant à apprendre, et que la science ne peut pas tout ! On pourra (peut-être ?) y parvenir en faisant de tout apprentissage des savoirs l’occasion d’une prise de conscience de l’étendue de ce que l’on ignore. Ou encore : en privilégiant l’étude des questions encore sans réponse, plutôt que celle des réponses déjà apportées par la science.

Nous venons de subir, coup sur coup, deux chocs qui nous contraignent à revoir notre façon de concevoir et de mettre en œuvre l’action éducative.

Le premier choc est celui de la révolution numérique. Si le panel des technologies dédiées à l’apprentissage s’était considérablement étoffé ces dernières années, celles-ci s’intégraient toujours dans un cadre scolaire classique, avec une transmission magistrale des connaissances. Avec le confinement, la mise en place d’un enseignement à distance généralisé ébranle ce modèle vertical, avec un maître au centre de la classe.

Le second choc, provoqué par la pandémie même du Covid-19, touche aux certitudes que nous pouvions avoir sur la place de l’homme dans la nature, et sur la solidité et la pérennité de l’être humain. Ne devons-nous pas abandonner notre prétention de devenir, comme l’exprimait Descartes dans son Discours de la méthode (sixième partie), « comme maîtres et possesseurs de la nature » ?

Au lieu d’être bien à l’abri derrière les hauts murs construits par le développement des sciences et des techniques, nous (re)découvrons avec un peu d’effroi que les techniques peuvent devenir nos ennemies, et qu’un virus peut nous détruire. Après avoir vécu pendant plusieurs siècles avec la certitude d’un progrès irréversible, nous entrons dans un monde où plus rien n’est sûr… sauf, peut-être, le pire !

« Ballotés, pareils aux flots soumis à des vents opposés… nous ignorons notre avenir et notre destin. » (Spinoza, « Éthique », Troisième partie, P. 59, Scolie)

Notre survie, à la fois comme individus, et comme espèce, dépend, à court terme, de décisions urgentes et fortes, d’ordre politique, économique, et sanitaire. Mais, à moyen ou plus long terme, elle dépend aussi de notre capacité à éduquer les enfants et les adolescents pour les rendre capables de faire face au gros temps qui menace de devenir la règle pour très longtemps.

Il est donc capital de réfléchir à ce que pourrait (devrait ?) être une éducation pour temps de crise et d’incertitudes. Quels défis doit surmonter l’École pour contribuer à l’émergence d’un « monde d’après », si possible meilleur que le monde d’avant ? Et, d’abord, pour faire qu’il y ait un monde d’après ?

Sauvegarder l’avenir

En quoi l’école est-elle vraiment indispensable ? La double crise nous contraint à reposer, radicalement, la question des finalités de l’activité éducative. Pourquoi éduque-t-on ? Essentiellement parce que la nature, qui fait, comme l’écrit encore Descartes, « que nous avons tous été enfants avant que d’être hommes » (Discours, Deuxième partie), nous y contraint.

L’homme n’est pas « d’un seul coup », selon les mots de Lévinas dans Totalité et infini. Ses capacités de développement doivent être préservées, et enrichies, par des actions appropriées, pendant tout ce temps qui lui permet de devenir adulte (c.-à-d. : celui dont le développement est achevé), et même tout au long de sa vie.

De là découlent deux grandes finalités, complémentaires. Protéger et sauvegarder les individus durant cette période de faiblesse qu’est l’enfance. Et les préparer à leur vie future d’adulte capable de s’insérer heureusement dans une société. Sauvegarder les potentialités de chacun, pour l’armer dans le combat de la vie. On pourrait dire : sauvegarder l’avenir.

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