Prise en charge cordonnée des troubles psychiques

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Etat des lieux, conditions d’évolution et nouveautés à la clé : rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales...

En France, l’ensemble des troubles psychiques constituent un enjeu majeur de prise en charge : ils sont classés au premier rang des maladies en matière de dépenses de soins et touchent près d'un quart des français, directement ou via leurs proches. L'idée : mobiliser les psychologues ayant une activité libérale et prévoir de façon conditionnée un remboursement par l’assurance maladie (direct ou indirect) de leurs interventions.

Les troubles psychiques regroupent un ensemble de situations cliniques hétérogènes, plus ou moins sévères  et  invalidantes, souvent chroniques, et débutant généralement dans l’enfance ou chez le jeune  adulte. En  Europe, comme  en  Amérique  du  Nord, on  observe une  forte  augmentation  de  la fréquence de ces troubles ainsi que leur complexification liée aux comorbidités et intrications avec les changements des situations de vie et/ou professionnelles. Ces évolutions et  le champ  des  travaux  de  la  mission  l’ont  conduite  à  devoir  traiter  très majoritairement  des  troubles  psychiques  modérés  (anxiété, troubles dépressifs...) ;  mais  aussi, chaque fois que les dispositifs étudiés ou les travaux d’étude le réclamaient, des troubles les plus lourds (épisode dépressif caractérisé, anxiété sévère, troubles du comportement, addictions...). Les observations comme les recommandations générales du rapport n’en sont pas affectées, mais plusieurs rappels préviennent les risques de confusion. En France, l’ensemble de ces troubles en sont venus à constituer un enjeu majeur de prise en charge: ils sont classés au premier rang des maladies en matière de dépenses de soins et touchent près d'un quart des Français, directement ou via leurs proches. Cette situation sature les capacités d’une offre de soins en santé mentale devenue hyperspécialisée et  segmentée.  Elle se traduit à la fois par des difficultés d’accès aux  soins et la production d’actes parfois non pertinents et coûteux (hospitalisations, sur-prescriptions...).

Pour répondre aux enjeux posés par cette situation, plusieurs expérimentations ont été lancées dont l’objet commun, au-delà de la diversité des publics et des organisations, est de mieux mobiliser les psychologues ayant une activité libérale et de prévoir de façon conditionnée un remboursement par l’assurance maladie (direct ou indirect) de leurs interventions. L’objet premier de la mission était d’évaluer ces expérimentations et dispositifs au plan médico-économique et d’y associer des propositions pour une répartition, après la phase expérimentale, de la charge nouvelle de financement entre l’assurance maladie et les organismes de protection sociale complémentaire. Pour  des  raisons  calendaires  (ces  expérimentations devant s’achever, pour les plus avancées, au printemps  2020); de méthode (elles rentrent pour l’essentiel dans le cadre, mieux outillé, des évaluations dites « de l’article 51 ») et de nature (aucune expérimentation ou dispositif ne prévoit de participation directe des assurés ni l’intervention d’organismes complémentaires), l’objet de la mission a été réorienté afin que la perspective d’une participation au parcours de soins coordonnés des  psychologues cliniciens qui  le  souhaitent et  de  leur  admission au  remboursement  soient examinés :

  • Leur formation et leurs conditions d’exercice. En effet, les mentions de formation universitaires sont très diversifiées, et  leur  contenu parfois insuffisant au  plan  des  approches  cliniques  et thérapeutiques. Pourtant chacune  permet  d’accéder,  après  des  stages d’inégale valeur qualifiante, au même titre de psychologue et de prodiguer pour certains des soins psychiques en libéral sans y avoir été rigoureusement formés. Il a donc été demandé que soient proposés des compléments de formation cliniques, étant notamment observé qu’il existe des approches thérapeutiques dont l’efficacité est scientifiquement fondée.
  • Les  prérequis  à  leur intégration  dans  la  prise  en  charge  coordonnée  des  personnes  en souffrance  psychique faisant intervenir l’assurance maladie. Aujourd’hui, une  partie  des psychologues pratiquent sans  qu’un  cadre  d’exercice garantisse,   comme   pour   les professionnels  de  santé, l’équilibre entre liberté d’exercice, confidentialité et qualité  des soins pour la personne prise en charge. Sur  le  premier  aspect,  le  rapport  propose, outre un  indispensable  travail  de quantification et de localisation de l’offre de psychologues cliniciens libéraux de créer, à l’initiative du ministère de l’enseignement supérieur (qui y est favorable), un diplôme universitaire (DU) ou interuniversitaire (DIU) définissant la qualification de psychologue clinicien susceptible de participer au parcours de soins  coordonnés. 
  • Un  système  de labellisation de  ces  diplômes  (et  des  lieux  de  stage)  par  le ministère   de   la   santé   inciterait   les   universités   à   adapter   leurs   maquettes   pédagogiques   en conséquence   et faciliterait  l’examen  des  dossiers  d’aptitude  professionnelle  soumis, avant installation, aux ARS. Associée à un dispositif de valorisation des acquis de l’expérience (VAE), cette évolution pourrait profiter aux nouveaux diplômés comme à ceux déjà en exercice. Au-delà,  la  participation  des  psychologues  à  la  prise  en  charge  coordonnée des  personnes  en situation  de  souffrance  psychique  et  l’ouverture  au  remboursement  de  leurs  séances  ou interventions réclament des évolutions plus significatives.

En effet, ces derniers, bien que règlementés (cf. supra) se sont jusqu’ici refusés à considérer les outils de  régulation -et donc d’intégration- qui  existent pour les  professionnels  de  santé.  Ils  sont aujourd’hui  à  l’écart de ces  derniers. Leur  position  officielle,  portée  par  leurs  représentants syndicaux est que,  s’ils  devaient  devenir  profession de santé, ce ne pourrait être qu’indépendamment de  toute prescription médicale. En réalité, la mission a pu constater un certain écart  entre  ces  positions  et  celles  des  professionnels de terrain comme en  témoignent les  taux importants d’inclusion de psychologues dans les quatre départements expérimentateurs de la prise en charge des troubles légers à modérés. Cette réalité permet d’envisager un rapprochement du cadre d’exercice des psychologues qui le souhaitent avec les autres acteurs du soin psychique. Outre le renforcement et l’homogénéisation des maquettes pédagogiques produits par la labellisation, l’adoption d’un code de déontologie réellement opposable et réclamé par une large part de la profession conduit à envisager la création d’une instance représentant  la  profession  sur  le  plan  institutionnel,  veillant  aux  bonnes  conditions d’exercice et préservant la diversité des pratiques dans le respect d’un cadre déontologique et des obligations  de développement  professionnel  continu. Ce cadre d’exercice, qui  serait  valable  pour l’ensemble  de  la  profession, apparait   indispensable   à   une   bonne   acceptation   par   les   autres professionnels et pour garantir les droits de patients souvent fragiles.

Enfin, le rapport propose que ces propositions soient l’occasion de faire évoluer la prise en charge globale  de  la  souffrance  psychique  pour  faire  prévaloir  une  logique  de gradation  des  soins  et  de coordination des interventions permettant de fluidifier les parcours,  comme c’est par exemple le cas en Belgique. Cette approche n’est pas hors de portée en  France puisque  la  loi  de  modernisation  du  système  de santé  (janvier 2016)  prévoit  la  constitution de  projets  territoriaux  en  santé  mentale  (PTSM) qui peuvent en constituer le socle et s’inspirer,  dans  les  grandes lignes, de dispositifs d’orientation graduée  qui  existent  déjà  comme  le  dispositif  de  soins  psychiques partagé  (DSPP) mis  en  place  à Toulouse. Ce dernier permet aux médecins généralistes de dialoguer et trouver un appui aussi bien auprès  de  psychiatres  que de psychologues,  améliorant  au  fil  des  échanges  la  pertinence  des approches et orientations.

 

Source : Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales

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