Six à huit mois de travail en tant que conseiller-expert à la Cour des Comptes pour participer à la rédaction du rapport piloté par Mme Juliette Méadel sur l’accès aux soins et sur l’offre de soins en pédopsychiatrie m’ont à la fois passionné et… déprimé.
La pédopsychiatrie est en situation de catastrophe aussi bien dans le secteur sanitaire que médico-social !
La question des moyens est évidemment primordiale mais - qualitativement parlant - comment s’occuper du soin et du prendre-soin psychique des bébés et des enfants et des adolescents quand le néolibéralisme a pour ennemis publics n°1 l’inconscient et le conflit intrapsychique au profit de la concurrence interpersonnelle et quand sa définition de la santé mentale est devenue collective en ne renvoyant plus qu’au seul critère de citoyens bons producteurs et bons consommateurs ?
J’avais besoin de me ressourcer et de trouver des îlots de résistance où la liberté de penser, la créativité, l’imagination et l’enthousiasme demeurent de mise en dépit de tout.
D’où le plaisir que j’ai eu à aller rencontrer le comité rédactionnel du CEREP pour un échange informel et un temps de débat à bâtons rompus.
En tant que président du CEREP, je savais bien sûr son existence et je connaissais les personnes qui le composent[1] mais je n’avais pas encore pris le temps d’un dialogue spécifiquement dédié à l’analyse de son fonctionnement.
J’en suis ressorti revitalisé et résolument fier de présider une association capable de faire naître en son sein une instance de ce type en dépit du contexte désastreux que je viens d’évoquer.
Vive ce comité rédactionnel qui a la responsabilité d’éditer la « newsletter » du CEREP (à usage interne et trans-équipes) ainsi que « Tempo » qui vise à faire valoir au-delà du CEREP les valeurs éthiques et professionnelles qui nous animent et qui nous portent au sein de notre association !
Pour moi qui ai fondé récemment l’Institut Contemporain de l’Enfance, cette rencontre a été un véritable régal.
Cinq personnes (bientôt six) d’âge et de génération différents (vive le transgénérationnel !), de formation différente, de responsabilités différentes au sein de l’association mais qui toutes partagent le désir intense de faire vivre une pédopsychiatrie digne de ce nom et de faire valoir des soins qui garantissent aux patients et à leurs familles leur droit absolu et incontestable au respect et à la dignité.
J’ai ressenti ce comité rédactionnel comme un creuset d’intelligence, de vivacité d’esprit, de dialogue, d’écoute des diverses problématiques des soignants, de sensibilité à l’environnement général, le tout sur le fond d’un plaisir de penser, de partager, de débattre et d’explorer des thématiques variées, chacun avec sa personnalité propre et ses références personnelles.
Les bouteilles-à-la mer ne sont, on le sait, que des signaux de détresse.
Ils deviennent des signes, soit des bouteilles-à-la-mère, seulement et seulement si quelqu’un les découvre et vient alors à la rescousse des naufragés.
C’est l’association de pensée qui m’est venue à l’issue de ma rencontre avec le comité rédactionnel du CEREP.
Nous ne sommes certes pas seulement des naufragés… encore que dans le champ de la pédopsychiatrie ?
La newsletter interne et Tempo n’émettent pas que des signaux de détresse, ils émettent aussi des alertes, des signaux de vie, des témoins de pensée… et ceux qui les recevront nous aideront peut-être à les transformer en solutions ou innovations psychothérapeutiques et institutionnelles, en rebonds socio-culturel et en espérance thérapeutique.
Un grand bravo, vraiment !
Je ne sais pas si nous avons tous été « Charlie », mais aujourd’hui, dans le monde de la pédopsychiatrie, je sais que nous devrions tous être « Tempo »
Bernard Golse, le 22 mai 2023
[1] Véronique Benignus Miszewski (Chargée de communication), Anne Brisson (Psychologue clinicienne), Anaïs Coudrin (Directrice adjointe du CEREP, Grégory Magneron (Directeur général du CEREP) et Charlène Romano (Stagiaire à la communication)