En liminaire, il est nécessaire de préciser que cet article a été écrit du point de vue la direction générale de l’association, un acteur ayant non seulement vécu le changement, mais l’ayant aussi conduit selon des critères qui lui sont propres.
Avant d’aborder « la conduite du changement » à l’IME selon différents axes, il faut avoir en tête que c’est actuellement l’IME tout entier qui change profondément, dans sa globalité, ses fondements et sa culture. S’interroger sur le pourquoi de cette transformation permet d’appréhender plus facilement les chantiers à conduire. En outre, permettre l’explication de manière claire et pédagogique en direction des équipes, de l’histoire, des causes et des volontés, peut donner une lecture partagée par les professionnels.
L’Institut Médico-Éducatif accueille 35 adolescents, de 12 à 20 ans, présentant une déficience intellectuelle avec ou sans troubles associés. L’autonomie sociale et l’insertion professionnelle sont les axes majeurs des prises en charge proposées par l’équipe pluridisciplinaire.
Les évolutions de l’IME résultent à la fois d’éléments internes, mais également externes. Sans le voir comme une fatalité, les institutions ont des cycles de vie, avec des périodes fructueuses pour le travail et les prises en charge, et des périodes plus problématiques. En 2017, le constat a été sévère pour l’IME et il est nécessaire d’en rappeler le contenu :
- L’absence de médecin psychiatre depuis plusieurs mois ;
- Deux arrêts de longue maladie de membres de l’équipe éducative ;
- De multiples arrêts de travail et des démissions de professionnels ;
- Une baisse d’activité importante depuis le mois de septembre 2016 ;
- Des exclusions temporaires d’adolescents ;
- Un dialogue de plus en plus compliqué entre l’équipe et la direction de l’établissement ;
- Un projet d’établissement n’arrivant pas à être écrit complètement ;
- Des sollicitations de plus en plus pressantes de la MDPH et de l’ARS pour accueillir des jeunes présentant des situations complexes.
L’établissement vivait une crise institutionnelle réelle et profonde. Il nous a semblé très important de pouvoir en parler et de nommer les choses.
C’est dans ce contexte que les discussions pour le CPOM (Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens) ont été entamées avec l’ARS. Parallèlement, l’autorisation de l’IME a été renouvelée en janvier 2017, mais avec un changement d’agrément ne précisant plus le degré de déficience des adolescents accueillis.
Il y avait donc des raisons internes avec des effets multiples y compris sur l’extérieur (association, réseau, partenaires…) et simultanément des mouvements externes, des politiques publiques changeantes nécessitant une mise en œuvre impactant fortement l’IME, sa culture et son projet.
À cela s’ajoute le souvenir d’une crise majeure en 1994 ayant abouti à un transfert de l’établissement d’une association gestionnaire vers une autre, l’association CEREP.
Nous souhaitons souligner que les éléments internes et externes énoncés ne peuvent être pris séparément dans l’explication d’une causalité de la crise à l’IME, mais sont bien un ensemble d’hypothèses qu’il est important de lier pour expliquer le chemin pris par l’établissement.
Une fois les choses nommées par la direction générale et le bureau, il a été décidé de mettre en place un comité de suivi pour accompagner l’IME dans ses mutations. Les changements étaient non seulement souhaités par les tutelles, mais la transformation était voulue par l’association qui y voyait aussi une opportunité pour cet établissement.
Un comité de suivi a été créé, composé par des membres de l’équipe de l’IME (un éducateur spécialisé, une orthophoniste, une psychologue, la chef de service éducatif et la directrice), un médecin psychiatre (d’une autre structure de l’association effectuant des vacations au sein de l’IME), la direction générale (les deux directeurs de l’association) et une administratrice de l’association (médecin pédopsychiatre).
Ce groupe était également en mesure d’informer à leur niveau les différentes instances (comité d’entreprise, comité technique des directeurs, bureau).
La composition même de ce comité était importante dans la mesure où elle représentait à la fois l’ensemble de l’équipe de l’IME et les différents niveaux hiérarchiques de l’association (jusqu’à un membre du bureau). En ce sens, elle traduisait une volonté et une solidarité forte de l’association. Ce groupe représentait aussi la manière que nous avons de traiter les situations au sein de l’association Cerep-Phymentin, de manière collective et en associant des compétences et des points de vue différents.
L’une des fonctions principales de ce groupe a été de parler le changement, de comprendre et d’intégrer ce qui était demandé par les tutelles, par les professionnels eux-mêmes et de pouvoir le traduire pour l’ensemble de l’équipe dans des réunions de synthèse. Il s’est donc réuni tous les mois entre octobre 2017 et juin 2018. Un compte rendu des séances était fait et ensuite transmis à l’équipe de l’IME.
De ce groupe ont émergé aussi des propositions pour donner à l’établissement les moyens de vivre sa transformation. Il a ainsi été pensé et élaboré la possibilité d’avoir un médecin directeur à l’IME dans un binôme de direction avec un chef de service. Ce schéma a été retenu par le bureau et accepté par l’ARS.
Enfin, du point de vue de la direction générale, les objectifs étaient quant à eux :
- de permettre une convergence entre la rencontre des besoins remontés et traduits par le terrain (adolescents, familles et professionnels) et les besoins rapportés plus indirectement par les politiques publiques, mais très concrètement par les tutelles ;
- d’assurer une continuité des prises en charges des adolescents accueillis, et de répondre à l’activité demandée en termes de journées à réaliser ;
- de protéger l’équipe d’effets délétères et attaquants pour le cadre de travail et les motivations des professionnels ;
- d’assurer une transition de conduite de projet, y compris dans le présentiel en l’absence de la direction d’établissement ;
- de donner à l’IME les moyens de ses nouvelles ambitions, à savoir accueillir des adolescents plus jeunes à partir de 12 ans, en situation complexe tout en continuant de travailler sur des projets d’insertion professionnelle ;
- d’associer pleinement l’unité d’enseignement de l’Éducation nationale dans ces nouvelles perspectives.
L’IME est en train de changer profondément et progressivement.
Grégory Magneron, directeur général de l'association Cerep-Phymentin
►Retrouvez cet article dans notre newsletter TEMPO 10 de décembre 2018.