Journée associative : discours d'Armelle Cadoret

Armelle_cadoret_22mars 2024.png

Journée associative : discours d'Armelle Cadoret, médecin directeur de l'IME Cerep-Phymentin

A mon arrivée en janvier 2019, le binôme de direction venait de quitter ses fonctions quelques mois auparavant et Chrystèle BOUIX-ESNARD menait le navire, seule depuis Septembre 2018 dans une tempête bien compréhensible.

Nous n’avons jamais pu rencontrer physiquement nos deux collègues de la direction précédente mais nous avons eu le soutien de la direction générale et de certains administrateurs qui nous ont raconté leurs conditions de départ. Ils ont essayé de faire une transmission indirecte grâce à une cellule de réflexion qui a permis une sorte d’intérim.

Nous nous sommes donc senties bien enveloppées dans l’association CEREP-PHYMENTIN et écoutées dans notre tourmente.

Mais, au quotidien dans l’institution, l’histoire ne fut pas aussi douce et sans heurts…

Nous voilà dans l’impossibilité de poursuivre un cadre établi et fonctionnant dans son rôle d’historisation et de différenciation Moi/non Moi avec une équipe suffisamment réassurée de cette permanence pour accueillir sans trop de crainte un nouveau binôme de direction !!!

J’ai alors eu le sentiment d’être restée en observation, un peu sidérée afin de pouvoir faire quelque chose de mes impressions tant concernant les jeunes que de la façon dont l’équipe pouvait me solliciter. Une sacrée expérience de direction qui se fait médium malléable pour penser un cadre adapté à une multitude de liens dans un lieu donné.

Evidemment, l’angoisse des jeunes se répandait partout, les portes étaient beaucoup ouvertes et l’agitation gagnait les couloirs. L’exclusion était parfois le seul moyen et les soignants étaient peu porteurs de sens car assignés à faire respecter une autorité soudainement disparue. J’avais assez peur de rester coincée avec eux à faire respecter un cadre administratif pour essayer de contenir une angoisse non médiée suffisamment par la parole.

Dans un deuxième temps, nous avons recruté une psychologue institutionnelle afin de pouvoir mettre en place une prise en charge selon le modèle de la cure institutionnelle. Elle va vous raconter plus en détail le travail de courroie de transmission pour enrichir l’observation des soignants et leur redonner la parole.

Dans un troisième temps plus récent, nous avons réussi à recruter une assistante de direction qui permet de constituer deux espaces autour du binôme de direction.

Une tiercéité de direction d’établissement avec l’assistante de direction et une tiercéité plus clinique avec la psychologue institutionnelle qui s’intriquent autour de Chrystelle et moi tout en ayant des espaces de réunion distincts.

Petit à petit, nous avons trouvé des espaces de transmissions d’équipe modulés en fonction de nos besoins.

Nous les avions d’abord placés tous les matins sous la forme d’un staf comme dans les hôpitaux. En effet, nous faisions circuler les informations mais cela restait pris dans la tourmente du matin. Dès l’arrivée des 35 jeunes, cantonnés dans une pièce avec deux éducateurs pour les accueillir, les autres membres de l’équipe étaient en réunion.

Un temps de pensée qui n’en était pas un !!! et des jeunes pas trop accueillis mais c’était indispensable de créer ce premier espace en plus de la synthèse hebdomadaire.

En prenant confiance dans notre capacité d’organisation face à la pathologie accueillie, nous avons laissé un espace d’accueil le matin plus informel et organisé des réunions plus circonscrites.

Il faut pour cela avoir une confiance mutuelle dans l’enveloppe institutionnelle qui permet à chacun de se mobiliser pour aller chercher les informations.

Il est important de pouvoir toujours penser que la passivité qui saisit les équipes n’est que le résultat des projections morcellantes des patients et que nous devons trouver un écart afin de ne pas répondre en miroir à des attitudes que nous pouvons juger parfois très infantiles.

Notre expérience du COVID et du redoutable travail à distance qu’ont dû mener les éducateurs a créé de nouveau une adaptation de notre cadre de travail. Nous avons proposé alors des cellules d’écoute téléphoniques pour les éducateurs qui se sont révélées très fructueuses. Ainsi, nous les avons prolongées l’année suivante dans notre cadre de prise en charge tous les lundis.

Il s’agit de petits espaces de partage de la clinique autour d’un éducateur qui parle de ses jeunes en référence. Ces réunions ne sont pas facteurs de clivage et, au contraire, elles viennent nourrir le travail de contre-attitude dans la relation de référence et nous permettent une transversalité avec l’enseignante et l’orientatrice toutes deux présentes ainsi que la direction et la psychologue institutionnelle.

Plus récemment, nous avons pu mettre en place des moments de reprise des ateliers pour les binômes qui les encadrent. J’écoute une fois par mois ceux qui sont plus particulièrement centrés sur le traitement des angoisses et ceux qui comprennent des intervenants extérieurs.

Cela permet aux éducateurs de réinvestir à chaud les éléments déposés en atelier et de se recentrer sur leur médiation. Ces temps précieux mais un peu volés ont lieux grâce à une organisation avec moins de personnel des moments interstitiels avant les ateliers, pendant le repas ou après les ateliers.

Nous gardons également deux temps de reprise le lundi et le vendredi tous ensemble qui aident à articuler des évènements saillants et à détoxifier toutes les projections dans le cadre de la constellation transférentielle.

Enfin, nous avons la chance comme un certain nombre d’entre vous d’être écoutés par monsieur Delion 4 fois par an…

En l’écrivant, je mesure que nos chères instances pourraient me diagnostiquer une réunionite dont je serai atteinte car je participe à beaucoup d’entre elles…

Temps d’accueil le matin, réunion autour de la référence le lundi après-midi, réunion direction et assistante de direction mercredi matin et réunion de synthèse l’après-midi, reprise des groupes « pâte à sel, écris toi, dessin et respire/terre, mythologie/comment ça va, théâtre, écoute musicale, danse », reprise des lundi et vendredi soir…

Tous ces petits temps sont des occasions de recueil du matériel de la vie au quotidien qui tisse une histoire pour chacun dans les méandres de la subjectivité adolescente…

Et c’est à ce prix-là que nous restons accueillants et vivants pour une population déficiente composée pour les ¾ de patients psychotiques et autistes voir de retards scolaires engendrés par des troubles graves de la personnalité. Notre IME constitue un doux mélange dont l’hétérogénéité est une force si nous arrivons à contenir l’instauration de liens adolescents dans le respect de la différence…

Je vous remercie.

Armelle Cadoret, le 22 mars 2024